mercredi 22 octobre 2014

La place de l’homme dans la nature : Les droits des animaux

L’homme crée le droit positif, corpus de lois, pour le substituer ou l’ajouter au droit de nature. L’homme qui se met en marge du règne animal, auquel il appartient s’interroge aujourd’hui sur la nécessité d’attribuer des droits aux animaux. Mais bien sur que veut-on dire quand on parle du droit des animaux ?

Que nous apprend l’histoire ?


Dans l’Antiquité selon les lieux géographiques et les cultures le statut de l’animal
diffère :

  • Dans l’Egypte des Pharaons, l’animal revêt un caractère sacré. Les dieux sont mi homme mi animal. Tuer certains animaux est un crime passible de peine de mort.
  • Dans la Grèce on retrouve l’héritage égyptien, les sacrifices animaux, la lecture des haruspices, voire les hécatombes... Chez les Septiques, l’homme est l’égal de l’animal. Pour Pythagore qui croit en la réincarnation animale, le végétarisme est de rigueur. Parmi les philosophes, Aristote sépare radicalement l’homme de l’animal, car seul le premier possède la Rhétorique, art de persuader, de convaincre, le logos et la capacité à vivre dans la Cité (polis), même s’il leur reconnait une intelligence pratique et la capacité à vivre en société. L’animal qui ne possède pas le logos peut être employé à des fins utilitaires L’animal a un rôle religieux et utile, comme la protection des personnes ou le travail au champ.
  • Dans les sagesses orientales, le statut de l’animal est inséparable de la croyance en la réincarnation.
Avec le Moyen-âge, étudier les droits des animaux, c’est se tourner vers le statut que la religion chrétienne leur confère : dans l’ancien Testament on retrouve un certain nombre de prescriptions envers les animaux, nourriture, aide à porter des fardeaux, ritualité sacrificielle La permission à se nourrir des animaux n’est accordée qu’après le déluge... Elles disparaissent avec le nouveau Testament : St Paul « Dieu se souciera-t-il des bœufs ? ». La souffrance est liée au péché originel, elle touche l’homme, mais pas les animaux, donc ils ne souffrent pas. C’est la démonstration de St Augustin que reprend Descartes.

Montaigne affirme un devoir d’humanité envers les bêtes.

Maupertuis, Voltaire affirment la souffrance animale. C’est sur cette souffrance que Rousseau fonde le devoir de l’homme : « L’homme est assujetti envers les animaux à quelque espèce de devoir. Il semble, en effet, que si je suis obligé de ne faire aucun mal à mon semblable, c’est moins parce qu’il est un être raisonnable queparce qu’il est un être sensible, qualité qui étant commune à la bête et à l’homme doit au moins donner à l’une le droit de ne point maltraiter inutilement l’autre ».

Le problème du droit des animaux émerge au 19 eme siècle, avec l’œuvre de
Darwin, mais aussi avec le développement de sociétés humanistes auxquelles
appartiennent Schœlcher, Zola, Clémenceau, Larousse. L’idée de l’évolution des
espèces impose de réfléchir sur la place de l’homme dans la nature en affirmant une continuité entre l’homme et l’animal.

Charles Darwin, in L’expression des émotions chez l’homme et chez l’animal

« Nous avons vu que les sens et les intuitions, les différentes émotions et facultés, comme l’amour et la mémoire, l’attention et la curiosité, l’imitation, la raison, etc., dont l’humain se vante, peuvent être trouvés à l’état naissant, ou même pleinement développés, chez les animaux inférieurs. Ces animaux dont nous avons faits nos esclaves et que ne voulons pas considérer comme nos égaux. ».

Bentham, créateur de l’utilitarisme écrit : « la question n’est pas peuvent-ils
raisonner, mais peuvent-ils souffrir ? »

Schopenhauer, qui voit dans la pitié le fondement du comportement moral, fustige le comportement de l’homme envers la bête.

Dans le même temps la médecine expérimentale est florissante et permet
d’importantes découvertes.

Il se profile ici l’ambivalence toujours d’actualité.

Que dit le droit ?


La loi Gramont de 1850 protège les chevaux. En Angleterre à cette époque les
combats d’animaux dans les rues sont interdits.

Un décret d’E. Michelet du 16 septembre 1959 punit les mauvais traitements sur
animal, l’abandon d’un animal domestique.

En droit français :

  • Les animaux sont des biens sensibles
  • Dans le code civil, ils sont assimilés à des biens meubles ou immeubles
  • Dans le code pénal, la loi du 9 mars 2004, relative aux sévices sur animal domestique. Le droit du propriétaire est limité à l’intérêt de la bête.

Il existe de plus de nombreuses déclarations dont la Déclaration universelles des
droits de l’animal (UNESCO), 15 octobre 1978 révisée en 1989, des directives du Conseil de l’Europe du 22 décembre 1993 relative à la protection des animaux au moment de leur abattage, et en 2008 une proposition relative à la prise en compte du bien être des animaux...

Que disent les philosophes contemporains ?

Ils sont essentiellement d’origine anglo-saxonne, en dehors d’E de Fontenay, F.
Armingaud et quelques autres femmes.

Leur grand précurseur est Henry Salt qui publie en 1892, Animal Rights et qui
inspirera Gandhi et Martin Luther King. Puis on trouve B. Russell vers 1920.

Les philosophes s’appuient sur des travaux d’éthologue, qui débutent dans les
années 1960 dans la plus grande indifférence, voire le mépris, avec la découverte progressive de capacités animales de mémoire, créativité, notion de futur, relations sociales au sein de leur groupe, etc. On trouve ici les écrits de K. Lorenz, Nicolas Tinbergen, Karl Von Frish.....

Leur chef de file me semble être P. Singer, qui écrit : « la philosophie anglo-saxonne des années 1950 s’était perdue dans l’analyse linguistique, le sens des mots et elle avait fermé la porte sur l’éthique ». C’est désormais la relation entre l’homme et l’animal qu’il convient d’étudier sous un aspect éthique au sens étymologique de « milieu dans lequel je vis ».

La philosophie utilitariste, nous propose d’étudier, non pas le droit de manière
absolue, mais de considérer nos actes en fonction de leurs conséquences.

L’éthique animale repose sur la conscience de l’animal et à sa capacité à ressentir la douleur. Ainsi P. Singer écrit : « la vie d’un être possédant la conscience de soi, capable de penser abstraitement, d’élaborer des projets d’avenir, de communiquer de façon complexe.... A plus de valeur que celle d’un être qui n’a pas ces capacités »

Il redonne une définition de la personne « individu qui se voit exister dans le temps, qui se rappelle d’un soi dans le passé et se projette en tant que tel dans l’avenir.... Qu’il s’agisse d’un animal ou d’un humain »

Mais il reconnait une progression dans les espèces animales en tant qu’agents
moraux.

Le problème du spécisme se pose alors pour en finir avec la sacro sainte humanité, car en s’appuyant sur cette phrase on se demande où situer, les nouveaux nés, les handicapés mentaux graves, les déments, etc. En gros certains hommes valent-ils moins qu’un grand singe ? Ici P. Singer ajoute la problématique de l’entourage à prendre en compte dans la conséquence de nos actes.

Il fait aussi intervenir le problème de l’écologie avec le réchauffement climatique qui serait plus dû à l’industrie de la viande, à l’élevage industriel, qu’aux modes de transport. Une grande problématique économique se cache derrière les droits de l’animal, et bien sur, le politique est concerné.

Il pose le problème de l’achat des animaux.

Il souhaiterait la création d’un statut légal de l’animal, il s’agit de reconnaitre aux animaux le droit de vivre : remise en cause de l’expérimentation en laboratoire et propose de penser la morale envers les animaux en termes d’égalité de considération d’intérêt.

Par exemple pour la chasse à l’éléphant : il propose de tout faire pour que l’éléphant vivant doit une ressource plus importante que l’éléphant mort, faire que le tourisme rapporte plus que le trafic d’ivoire, sans méconnaitre l’engagement politique sous- tendu, la révolution dans les mentalités, etc.

Au total on voit toutes les difficultés relatives au droit des animaux, il ne s’agit plus seulement de la traiter sans cruauté, ce qui est remis en question c’est notre rapport d’espèce, c’est un enjeu économique, écologique et politique, c’est une redéfinition du droit qui serait accordé sans compensation de devoir.
 
Bibliographie
Arthur Schopenhauer : Sur la religion, 1996, GF Flammarion
Françoise Armengaud, Réflexion sur la condition faite aux animaux, Kimé, 2011
Florence Burgat, Animal, mon prochain, Odile Jacob, 1997
Robert Dantzer, les animaux d’élevage ont-ils droit au bien être ?, INRA, 2011
Jane Goodhall, Nous sommes ce que nous mangeons, Acte Sud, 2008
Maurice Merleau Ponty, Le concept de nature, Gallimard, 1968
Jeremy Rifkin, The empathic civilization, Tarcher, 2009Peter Singer, La liberation animale, Grasset, 1993
Elisabeth de Fontenay, Sans offenser le genre humain, Michel, 2008 ; le silence des bêtes, Fayard, 1998


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